Dans ce blog, je réfléchis aux défis rencontrés par l’Alliance pour une Mine Responsable (ARM) dans la mise en œuvre volontaire des activités de diligence raisonnable pour l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE), afin que les sociétés d’importation de minéraux sachent comment contrôler les risques ESG dans leur chaîne d’approvisionnement sans stigmatiser ou exclure des marchés légaux les mineurs ASM qui ont des difficultés à mettre en œuvre la directive sur le devoir de diligence en matière de dévelopment durable des entreprises (CSDDD) approuvée récemment. Une approche de la diligence raisonnable basée sur le risque de chaque acteur, sans stigmatisation des segments de marché une fois étiquetés comme « à haut risque », évitera que la conformité à une norme bien intentionnée ne provoque le déplacement des communautés/organisations minières vers des marchés non transparents qui bénéficient indirectement de l’exclusion des plus vulnérables dans la chaîne d’approvisionnement.
Avec l’approbation de la directive sur devoir de diligence en matière de développement durable des entreprises (CSDDD en anglais) par le Parlement européen, on attend des importateurs de minéraux qu’ils s’engagent plus largement à respecter les droits humains et les droits environnementaux des communautés vivant dans les territoires où leurs filiales, leurs fournisseurs et leurs partenaires commerciaux exercent leurs activités. Les importateurs et les raffineurs de minerais qui exercent leurs activités dans l’UE seront tenus dans l’obligation de cartographier leurs chaînes d’approvisionnement jusqu’aux sites de production, d’identifier et d’évaluer les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) tout au long de la chaîne, et de mettre en œuvre des mécanismes de suivi, d’assurance et d’établissement de rapports. Il s’agit d’éviter d’établir des relations commerciales avec des organisations/entreprises qui violent les droits humains, déboisent, détruisent les écosystèmes ou soient liées à des organisations criminelles.
La mise en œuvre de systèmes de gestion de cette envergure ne sera pas une tâche facile pour les entreprises situées à des milliers de kilomètres des lieux où les minerais sont extraits, puis agrégés par des transformateurs et des négociants avant d’être exportés. En outre, les importateurs de minerais s’approvisionnant en Amérique centrale, en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie du Sud-Est devront mettre en place des systèmes de gestion avec des approches différenciées en matière de diligence raisonnable dans les chaînes d’approvisionnement liées à l’exploitation minière artisanale. En effet, dans ces chaînes, ils pourraient se heurter à des capacités limitées pour se conformer aux normes internationales, à des conflits entre les communautés et les entreprises en raison de précédents historiques et des différences culturelles, voire à des conflits d’ordre politiques car les lois (ou leur mise en œuvre de facto) de certains pays producteurs limitent l’accès des petits acteurs au marché des minerais.
Par conséquent, nous craignons que face à ces défis spécifiques de l’EMAPE, les entreprises soient promptes à rompre leurs relations commerciales, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur les plus de 40 millions de personnes en situation de vulnérabilité qui dépendent de l’exploitation minière pour leur subsistance. Cependant, si elles sont bien conseillées, les entreprises pourraient adopter des approches de diligence raisonnable basées sur le risque, en reconnaissant la contrepartie et en renforçant les relations pour permettre l’échange d’informations sur le contexte commercial, social et environnemental. Avec cette approche, le devoir de diligence raisonnable ne contribuerait pas seulement à atténuer les risques, mais améliorerait également la compétitivité de l’entreprise, en améliorant la réputation et en renforçant les fournisseurs ou les partenaires commerciaux ayant des capacités limitées.
C’est ce que nous appelons le « Fair Due Diligence » ou « Diligence Raisonnable Équitable » , et nous le mettons en œuvre chez ARM par l’utilisation combinée du code CRAFT et du Standard Fairmined qui, ensemble, fournissent une échelle progressive d’exigences et d’incitations visant à promouvoir la conformité tout en renforçant les capacités des organisations. L’élaboration de ce cadre était nécessaire pour faire face à trois situations que nous avons rencontrées au cours des 20 dernières années en travaillant au développement des meilleures pratiques ESG dans l’EMAPE. Les entreprises tenues de se conformer à la CSDDD sont susceptibles de rencontrer l’une de ces situations lors de la mise en œuvre de leurs propres processus de diligence raisonnable.
1. La confusion entre l’exploitation minière informelle et illégale et sa relation avec les obstacles à l’accès au marché auxquels sont confrontés les mineurs légitimes stigmatisés.
Reconnaître l’existence de groupes/communautés vulnérables dans la chaîne d’approvisionnement ne nie pas la présence d’acteurs illégaux qui refusent de formaliser leurs opérations, violent les droits humains et exploitent les mines en ignorant les normes environnementales, de sécurité et de santé nécessaires pour atténuer les risques ESG. Par conséquent, un cadre permettant de classer correctement les mineurs et de savoir quand s’engager et sous quels critères les relations commerciales pourraient être initiées ou suspendues est nécessaire pour atténuer les risques juridiques et de réputation des entreprises.
Nous fournissons ce cadre dans le Code CRAFT, qui introduit le concept de légitimité pour différencier les organisations informelles désireuses d’améliorer leurs performances (si un soutien approprié leur est apporté) des groupes illégaux qui ne pourraient en aucun cas se légaliser, soit parce qu’ils opèrent dans des zones interdites, soit parce qu’ils sont en conflit dans leur environnement, ou parce qu’ils n’ont pas l’intention de se conformer à la loi.
Le Code CRAFT définit des lignes directrices en matière de légitimité pour quatre cas différents, en fonction du contexte juridique dans lequel la MAPE opère, et indique les risques qui entraînent la rupture immédiate des relations commerciales et ceux qui peuvent être atténués en maintenant les relations commerciales actives. Ainsi, les systèmes de gestion peuvent répartir plus efficacement les contrôles de gestion des risques à réaliser pour chaque organisation de la chaîne d’approvisionnement.
2. L’aspiration ambitieuse de mettre en œuvre des normes rigoureuses dans les zones rurales ayant un accès limité à l’assistance technique spécialisée et à la formation:
Les lignes directrices sur l’approvisionnement responsable établies par l’UE n’atteindront pas les fournisseurs de minerais par inertie. La norme se répandra probablement plus rapidement dans les grandes entreprises dotées de systèmes de conformité solides, mais les fournisseurs artisanaux ou à petite échelle auront besoin d’une formation et d’une assistance technique progressive pour adapter leurs systèmes de gestion aux lignes directrices requises. En l’absence d’une approche de soutien à l’amélioration progressive, les entreprises acheteuses de minerais ont le devoir éthique de rendre compte, dans leurs rapports de durabilité ou de diligence raisonnable, de l’impact potentiel sur l’aggravation des niveaux de pauvreté et d’inégalité dans les communautés minières situées dans le périmètre d’influence des mines.
Pour ne pas laisser pour compte les acteurs les plus vulnérables de la chaîne, nous avons dû créer le code CRAFT avec des exigences minimales qui préparent les mineurs à la certification Fairmined.
Combinées, les Standards constituent une échelle d’exigences progressives qui évite l’exclusion des mineurs souhaitant améliorer leurs performances, mais qui ne peuvent le faire sans soutien. Dans un premier temps, le code CRAFT énonce des exigences de base visant à atténuer les risques liés à la chaîne d’approvisionnement. Ensuite, sous l’égide du standard Fairmined, des politiques et des protocoles sont mis en place dans le but de créer une valeur sociale et environnementale partagée, qui améliorent la résilience de l’entreprise aux défis sociaux et environnementaux susceptibles d’affecter la viabilité des opérations.
Cependant, le Code CRAFT est une norme autonome, open source, qui peut être librement utilisée par les entreprises ou les associations pour créer des programmes d’approvisionnement responsable pour de la MAPE. La conception modulaire de ce standard permet de l’appliquer aux chaînes d’approvisionnement des métaux précieux, des pierres précieuses et semi-précieuses, de l’étain, du tantale et du tungstène (3T), du charbon et même des minerais critiques pour transition énergétique, tels que le cuivre et le cobalt. Les entreprises peuvent utiliser le code CRAFT pour créer leurs propres systèmes d’approvisionnement responsable, en tirant parti de sa reconnaissance en tant que mêcanisme d’assurance en amont (Upstream Assurance Mechanism) par le Responsible Minerals Initiative.
3. La difficulté de faire appliquer des standars volontaires dans des zones où il y a d’autres acheteurs prêts à acheter et sans autant de paperasse:
La CSDDD doit être obligatoirement respectée et appliquée par les importateurs de minéraux et les entreprises qui les transforment au sein de l’UE. En revanche, les agrégateurs, les transformateurs et les producteurs de minéraux en amont de leur chaîne d’approvisionnement ne sont pas légalement tenus de s’y conformer. Si les coûts de mise en conformité sont trop élevés et ne sont pas répartis de manière adéquate, les producteurs de minéraux risquent de se tourner vers des marchés moins réglementés à la réputation douteuse.
C’est pourquoi nous insistons pour que la diligence raisonnable soit présentée comme un processus attrayant pour les mineurs, lié à des incitations, à la formation et à l’accès à des marchés de meilleure réputation, plutôt que de se concentrer sur des audits dans lesquels un consultant étranger à la communauté, sans réelle connaissance ni compréhension du contexte, est envoyé pour inspecter les sites miniers et interroger la communauté locale. L’approche de la diligence raisonnable en tant que processus d’inspection mené par des auditeurs sans lien avec les parties est efficace dans le monde de l’entreprise, mais sa pertinence dans l’environnement de l’EMAPE mérite d’être examinée de plus près.
D’après notre expérience, cette approche n’est pas culturellement appropriée dans de nombreuses communautés rurales exposées aux multiples risques de sécurité mentionnés précedemment.
Toutefois, cela ne signifie pas qu’il faille sacrifier la rigueur des processus d’assurance, mais plutôt que les processus d’assurance doivent remplacer le bâton par la carotte et permettre aux mineurs de renforcer leurs propres processus de contrôle interne. Nous utilisons des outils tels que le rapport CRAFT ou le pré-audit Fairmined, par exemple, pour que les mineurs, avec le soutien technique et juridique approprié, rassemblent et partagent des informations clés pour la diligence raisonnable avec les autres acteurs de leur chaîne. Enfin, la prime Fairmined et l’assistance technique canalisée par les projets de coopération internationale encouragent souvent les efforts des mineurs, bien qu’avec certains défis qui nécessitent un autre blog pour une analyse rigoureuse.
En résumé…
Les discussions autour de ces trois situations nous ont guidés dans la conception de systèmes de gestion des risques avec des approches différenciées pour les chaînes d’approvisionnement liées à l’EMAPE. En plus des fonctionnalités intégrées dans les systèmes conventionnels de diligence raisonnable, ces systèmes permettent aux entreprises de :
- Classer avec précision les mineurs MAPE selon une typologie internationalement reconnue, ce qui permet de prendre de bonnes décisions quant aux personnes avec lesquelles elles peuvent s'engager et à quel moment établir ou de suspendre des relations commerciales de manière temporaire ou permanente.
- Respecter progressivement le devoir de diligence, en se désengageant immédiatement des pires risques et en aidant ses partenaires commerciaux et ses fournisseurs à mettre en œuvre des plans d'amélioration assortis d'exigences progressives.
- Améliorer les relations avec leurs partenaires commerciaux et leurs fournisseurs par la mise en œuvre de politiques et de méthodologies qui canalisent les incitations à la création de valeur partagée entre toutes les parties de la chaîne d'approvisionnement.
De cette manière, les entreprises que nous conseillons peuvent déclarer que leurs systèmes de gestion des risques intègrent des approches différenciées garantissant une relation équitable avec l’EMAPE. Cela permet d’éviter que des mineurs légitimes en situation de vulnérabilité ne soient déplacés vers des marchés peu transparents, contrôlés par des organisations criminelles d’envergure internationale. En fin de compte, ces organisations trouvent des moyens de brouiller l’origine des mineraux et de les introduire sur les marchés légaux.
Pour recevoir un assistance personnalisée sur la diligence raisonnable en matière sociale et environnementale, contactez-nous à l’adresse suivante : gro.s1733260177enime1733260177lbisn1733260177opser1733260177@sdra1733260177dnats1733260177