Authors: Louis Maréchal et Luca Maiotti

Depuis plusieurs années, la communauté internationale, les organisations de la société civile et de manière générale les consommateurs ont développé des attentes fortes visant à s’assurer que la production et le commerce des matières premières, et notamment de l’or, ne sont pas liés à des violations des droits de l’homme, et au financement de conflit.

Au tournant des années 2010, les gouvernements des États-Membres de l’OCDE, appuyés par des représentants d’États d’Afrique centrale, ont initié le développement d’un ensemble de recommandations permettant aux entreprises du secteur privé de s’assurer qu’elles ne contribuaient pas, à travers leurs approvisionnement en ressources minérales, à financer des groupes armés ou des phénomènes de violation des droits de l’homme.

Le Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais, adopté, avec son supplément sur l’or, en 2013 a conduit un nombre toujours croissant d’entreprises à mettre en œuvre des systèmes d’identification des risques par le biais d’un exercice d’analyse d’informations qui prend le nom de devoir de diligence.

Qu’est-ce que le devoir de diligence ?

En pratique cela passe par un ensemble d’actions pratiques qui varie selon la position de l’entreprise dans la chaine de valeur, et bien entendu de sa taille. Essentiellement, il est attendu de chaque entreprise qu’elle mette en place un processus pour identifier, prévenir et atténuer les risques relatifs à ses opérations, fournisseurs et partenaires commerciaux. Plus le risque identifié par l’entreprise est élevé, plus les contrôles de diligence doivent être stricts.

Si l’exercice du devoir de diligence ne peut pleinement garantir que l’extraction ou le transport d’un minéral n’aient pas contribué à un conflit ou à des violations des droits de l’Homme, il doit permettre de progressivement et collectivement renforcer l’intégrité et la transparence des chaînes d’approvisionnement mondiales. Il ne vise par ailleurs pas à être parfait immédiatement : l’essentiel est que les entreprises commencent à le mettre en œuvre, et s’engagent à améliorer leur performance au fur et à mesure des années.

Par ailleurs, la mise en œuvre de ce devoir de diligence doit être une responsabilité partagée par l’ensemble des acteurs de la chaîne, y compris les entités économiques pratiquant l’exploitation artisanale ou à petite-échelle. Bien évidemment les capacités d’une petite coopérative minière en Amérique latine ou en Afrique de l’Ouest peuvent être limitées, mais l’important reste que chacun opérateur économique s’engage, dans la mesure de ses moyens, à contribuer aux efforts collectifs. Dans la pratique, cela consiste essentiellement en deux choses : poser des questions sur les conditions d’extraction et de commerce de la matière première ; et ne pas fermer les yeux sur des pratiques douteuses au bénéfice d’une opération économiquement plus rentable.

Mineurs à l’entrée d’une mine d’or à Cuatro Horas dans le district de Chaparral, province de Caraveli, département d’Arequipa, Perú.
Photo: Eduardo Martino

Comment permettre aux acteurs informels de participer ?

Il est estimé que l’or extrait de manière artisanale correspond à environ 20% de la production mondiale. Pourtant, dans de nombreux pays producteurs, la catégorie de mineur artisanal se trouve dans un flou juridique – entre informel, illicite, illégal – mais est de facto largement toléré. Par conséquent, des groupes armés non-étatiques (et parfois même étatiques) tirent profit de leur vulnérabilité. On estime que les revenus des FARC découlant des activités d’extorsion ou de ‘protection’ (vacuna) des mineurs artisanaux dans le département colombien d’Antioquia auraient atteint 2 millions de dollars par mois en 2013.

Le Guide de l’OCDE est le premier standard international appuyé par des gouvernements à reconnaître ouvertement la contribution positive du secteur artisanal au développement économique local; et à inviter l’ensemble des parties prenantes à développer des stratégies d’appui à la formalisation et la légalisation des opérateurs responsables.  À cet égard, une grande part de l’activité du programme de mise en œuvre du standard de l’OCDE vise précisément à amener les acheteurs internationaux à considérer favorablement la production artisanale responsable, et à accompagner son inclusion dans les chaînes d’approvisionnement formelles et légales.

Si la route est encore longue, de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années, notamment dans la compréhension de l’importance du phénomène de l’artisanat minier à l’échelle locale et de son potentiel de contribution au développement économique.  L’OCDE et l’ensemble de ses partenaires continueront à s’attacher à la promotion de ce secteur, et au développement de solutions permettant aux acteurs responsables de bénéficier de leur dur labeur.

Louis Maréchal a rejoint le Département de Conduite des Affaires Responsables de l’OCDE en septembre 2014. Il travaille spécifiquement sur des projets liés à la mise en œuvre du Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque. Avant de rejoindre l’OCDE, Louis Maréchal a travaillé pendant quatre ans au ministère des Affaires étrangères de la France sur des questions liées à la transparence et à la gouvernance dans le secteur minier, ainsi qu’à la sécurité de l’approvisionnement en métaux stratégiques. Il a commencé sa carrière dans un cabinet de conseil stratégique spécialisé dans les industries de la défense et industries extractives. Louis Maréchal est titulaire d’une master en Relations Internationales, avec une spécialisation dans l’industrie de la défense.

Luca Maiotti est analyste politique junior au Département de Conduite des Affaires Responsables de l’OCDE, où il travaille sur des programmes de formation dans les pays producteurs de minéraux et participe à des activités de conseil et de sensibilisation en Amérique Latine, Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale. Auparavant, il a travaillé dans la coopération au développement sur les flux financiers illicites et dans trois centres de recherche différents sur l’eau, la migration et la sécurité en Méditerranée. Luca est titulaire d’une master en Sécurité Internationale de Sciences Po Paris, axé sur le Moyen-Orient et la Diplomatie.

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